Jeannine SMOLEC-RIVAIS
Jeannine SMOLEC-RIVAIS
Jeanine Smolec-Rivais : Hervé Tharel, pourquoi est-ce que je lis "Schmimblock’s" sur vos œuvres ?
Les gens font souvent un rapprochement avec le jeu télévisé du Schmilblick, mais ici c'est "Schmim" qui est pour moi un peu une abréviation de peinture ; et "block" représente le bout de terre.
Il est sûr que cette étape se fait avec une certaine violence. Pour ce que vous dites de "l'arraché", c'est vrai pour certains; pour d'autre, il y a du collage ou de l'assemblage. Cela dépend vraiment des œuvres. Il y a différentes approches pour chaque œuvre.
Je ne sais pas forcément où je vais, mais cela n'a pas vraiment d'importance. En tout cas, la deuxième partie est bien plus longue. Le deuxième accouchement est la peinture. Et là, je peux travailler sur huit/dix mois !
J.S-R. : Quand vous avez façonné le bloc de terre, avez-vous une idée de ce qu'il va devenir ? Parce que, pour l'un je vois un bec d'aigle ; un autre m'a fait penser à un crocodile. Est-ce volontaire ? Ou la forme reste-t-elle aléatoire ?
Pour d'autres œuvres, comme celle que j'appelle "Schmimblock’s kor'o" qui fait un peu penser à la mer avec ses petits monticules, là, c'est le hasard. Mais mon point de repère, c'est la nature, toujours. Chez moi, j'aime regarder pendant des heures un arbre, une branche, un détail de fruit pourri, une aile de papillon…C'est ce qui m'interpelle, et c'est ce que j'essaie de recréer dans mes œuvres.
Dans la vie, je suis comédien ; et j'ai voulu redonner un peu de mes origines ; et c'est le rôle de cette œuvre-là. Et puis il y a aussi beaucoup de prétention, c'est une œuvre très remplie, très décorée. Je devais la présenter pour une exposition, et on m'avait défié de faire des gros objets ! Vexé et prétentieux, j'ai voulu mettre le paquet ! Je n'aime plus vraiment cet objet-là, parce que j'ai mis dedans beaucoup de prétention et d'orgueil ; et aujourd'hui je pense faire des choses plus sereines, plus tranquilles.
J.S-R. : L'un d'eux, que vous avez peint en noir et blanc, me semble construit exactement sur le modèle d'une sculpture de Dubuffet qui se trouve en banlieue parisienne.
H.T. : Cela me fait plaisir ! J'ai vraiment découvert Dubuffet quand j'ai commencé à présenter mes Schmimblock’s, parce que les gens m'en parlaient beaucoup. Ce n'est pas étonnant que je m'en sois inspiré, parce que je m'y suis beaucoup intéressé.
Ce qui m'intéresse aussi, c'est que mon travail évolue en fonction des gens que je rencontre, artistes ou visiteurs dans les marchés ou les expositions. Il y a une évolution, mais je ne force pas le trait. Les choses viennent tranquillement. Comme ma création, parce que ce n'est pas un travail fait du jour au lendemain, c'est vraiment un travail de longue haleine. Chaque objet que vous voyez là a une année d'histoire.
H.T. : Oui, c'est bien cela. Et on reste encore dans la nature. L'arrondi est important, surtout qu'il a la forme d'une colonne, plus ou moins cassée, abîmée… J'ai voulu de l'arrondi dans cette colonne abîmée. Il y a aussi des taches dont quelqu'un m'a dit qu'elles ressemblent à des petites cellules.
J.S-R. : Si c'est autre chose, qu'est-ce que c'est ?
Pour moi, ce sont des assemblages de pierres, et chaque petit univers peint sur cet objet, sont de petits villages, etc. Ce n'est pas forcément un objet à part entière, mais plein d'univers dans d'autres univers, dans d'autres univers, dans… Ce sont plutôt des peuplades, en fait.
Pour répondre à votre remarque sur la présentation, on m'a proposé d'être sur ce bar qui a été magnifiquement habillé de blanc. Comme j'avais des socles noirs, je les ai mis. Du coup, je suis très content d'être ici, parce que c'est l'entrée de l'expo, et mes sculptures sont vraiment mises en valeur. Il est vrai qu'après, si on veut vraiment les observer, il faut les toucher, ce que je permets dans les expos. Pour moi, c'est important. Le Schmimblock’s a été créé pour cela au départ. J'ai remarqué que les gens touchent plus facilement les sphères que les blocs, sans doute à cause de leur côté boule, un peu universel.
J.S-R. : Je trouve que vous êtes vraiment un très bon coloriste. Il y a des harmonies de couleurs remarquables dans votre travail. Et je ne parle pas de cette espèce de dentelle que vous créez, je ne parle que des associations de couleurs. Ce que vous avez appelé "des îlots". Des couleurs différentes qui déterminent vos îlots. J'éprouve un plaisir très esthétique à regarder ces harmonies. D'après ce que je vois, c'est que, lorsque vous avez placé par exemple un fond de bleu, vous allez ajouter dessus de minuscules particules, des points, de toutes petites formes géométriques… Donc, en fait, c'est un travail infiniment précis, infiniment minutieux : à quel moment décidez-vous que vous avez mis le dernier point ?
J.S-R. : Donc, pour vous, votre œuvre irait beaucoup plus loin qu'une importance sociologique, autour des populations que vous y introduisez, cela deviendrait de l'ordre du rituel, comme vous venez de le dire ?
J.S-R. : Vous passez de la boule, c'est-à-dire par définition une œuvre géométrique très régulière ; à ces formes où on ne peut savoir ni où est le début ni où est la fin, comment réagissez-vous face aux uns et aux autres ?
ENTRETIEN RECUEILLI A LA BIENNALE HORS-LES-NORMES DE LYON, LE 2 OCTOBRE 2011